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Traversée de l'arc alpin à VTT # Etape 1 # Genève - Nice

Plusieurs circuits existent pour traverser les Alpes à VTT : tout dépend du lieu de départ, de l’arrivée, et surtout du temps que l’on se donne. Avec le recul, la difficulté d’un circuit se mesure principalement par le « roulant » du sentier : celui qui se lance dans une telle aventure doit savoir qu’il y aura des moments de doutes, quelques gouttes de transpiration et de grandes joies. Je pars d’une feuille blanche et je résous une équation simple : mes vacances représentent 30 jours, soit environ 1200 kils à raison de 40 km / jour. Ensuite, je prends une carte, choisis des massifs et place deux points : un départ de Genève et une arrivée à Nice : un voyage international en quelque sorte…

Sur le papier, l’aventure a de la gueule. Mais la feuille devient rapidement un brouillon illisible. Je trace des courbes, inscris des annotations, fais des croix, des ronds et des ratures. L’itinéraire prend forme, avec une incohérence majeure dès le début du parcours. Le voyage qui est en théorie une ligne droite nord / sud devient un tracé aléatoire qui part plein nord pour les premiers kilomètres. Pour garder le bon cap, je prends donc une boussole, quelques grammes de plus sur un VTT qui pèse plus de 30 kilos.

Je pars avec Valérie, mon binôme de toujours le 14 juillet 2014. A deux, nous parcourons les vallées et grimpons des cols mythiques : au cumul, c’est 34000 mètres de dénivelé positif. La tente et nos sacoches bien remplies sont accrochées sur les vélos : nous avons une autonomie jusqu’à quatre jours, nous permettant de ravitailler dans les villages éloignés en pleine montagne. Le vélo est prêt, les jambes aussi.

 

L’aventure commence dans le Jura suisse, histoire de ne pas se mettre dans le rouge dès le départ. Le Creux du Van est une envie irrésistible que la pluie des premiers jours ne freine pas, sauf quant il faut s’abriter pendant les averses dans des toilettes publics ou des églises. Il est bon de se soulager dans ces moments d’infortune. Les bouquetins de 6 heures du matin et les couleurs du lever de soleil à la croix du Soliat valent ce détour de 250 kils. Le retour par le lac de Neuchâtel est une véritable épopée : le passage est impraticable avec des troncs en travers, des lianes, des ronces. On avance mètre par mètre dans cette jungle, les pieds baignent dans 20 cm de boue. Le sol n’a pas encore absorbé les dernières pluies.

 

En revenant sur le Léman, les Dents du Midi et le Mont-Blanc montrent la bonne direction. Nous traversons le Chablais par le lac de Taney, le col de Blancsex, puis Morgins et Champéry. Nous goûtons aux joies du portage, où quelques centaines de mètres à vol d’oiseau se transforment en d’interminables minutes de souffrance. Chaque pierre, trou ou racine fige la roue avant : le vélo s’arrête net, vacille et m’emporte de tout son poids. La respiration est rapide, hachée par les battements de cœur : on sait au moins que l’on est vivant ! L’effort est violent, souvent obligé de s’arrêter tous les deux ou trois mètres… presque plus dur que de la haute montagne. Le panorama est aussi grandiose que le ciel est bleu. A une semaine près, on évite la neige à 2000 mètres d’altitude, heureusement que nous sommes en juillet…

 

Pour rejoindre Chamonix, nous grimpons par Salvan et Finhaut, la piste forestière est creusée dans la roche. Les virages qui nous font monter toujours haut donnent le tournis et affolent l’altimètre. Les quelques pauses salvatrices détendent les jambes et les bras, surtout que fraises des bois et myrtilles clignotent sur le bord du chemin. La descente du col des Montets se fait sous une pluie battante, il fait froid et nous sommes complètement trempés. Ces conditions sont pour moi les plus difficiles à supporter : en itinérance, il est impossible de faire sécher correctement ses affaires (surtout les chaussures). Je débarque à Chamonix en tongues et pancho jaune canari, donnant un peu de couleurs vives à ce temps grisâtre. Le Mont-Blanc est dans les nuages, nous ne le verrons pas.

Le contraste avec le Val Veni en Italie est saisissant : le beau temps est revenu, le chemin est somptueux et très roulant jusqu’au refuge Elisabetta Soldini. Première nuit dans un lit après 9 jours de voyage et 480 kils, première douche chaude aussi. Nous sommes les seuls à vélo. Nous sommes les seuls à griffonner sur une feuille de papier nos aventures du jour ; les randonneurs tapent avec frénésie sur leur tablette connectée au wifi, ils se battent presque pour avoir une prise de courant. L’accueil du gardien est chaleureux, mais je préfère cent fois les ambiances de bivouac en pleine nature, loin de tout ce cirque. Le lendemain matin, un groupe de vingt Coréens surexcités sort les appareils photo et pousse des cris d’hystérie en nous voyant en selle. La scène est marrante : il fait 5 degrés, ils sont emmitouflés dans de grosses vestes de montagne alors que nous grimpons à plein régime en t-shirt ! Nous passons le col de la Seigne à 2500 mètres, retour en France, et le mauvais temps revient.

 

Un épais brouillard nous stoppe dans notre élan, nous obligeant à passer une seconde nuit en refuge, mais le Beaufortin nous réserve une belle surprise au réveil : un grand ciel bleu. Le Mont-Blanc se dresse devant nous toujours aussi majestueux et la Pierra Menta se reflète dans les eaux turquoises du lac de Roselend. Après 3 cols à plus de 2300 mètres, nous retrouvons la vallée de la Tarentaise avec une descente exceptionnelle : 2700 mètres de dénivelé négatif en une seule journée, le rêve !

 

La suite se fait à un rythme de fous furieux : les jambes tournent toutes seules, je double des vélos de course alors que mon pédalier couine, faute de graisse. Après la prise de la Madeleine, c’est la vallée de la Maurienne et le massif du Galibier qui nous attendent. Le temps est clément, mais les fortes précipitations des jours passés transforment les chemins en pataugeoires. Nous nous engageons sur la Transmaurienne, 30 km en pleine pampa sans croiser âme qui vive : le paradis. Très vite, le chemin devient un sentier impraticable, complètement défoncé par les troupeaux, impossible de grimper ou de rouler sur le plat, même descendre se relève aussi périlleux que dangereux. Nous gardons le sourire même dans ces moments difficiles : il y a toujours de quoi être satisfait et heureux de continuer cette aventure. Nous passons deux nuits tout confort dans des bergeries abandonnées : l’eau fraîche des ruisseaux nous permet un minimum de toilette et le foin rend les nuits plus douces et agréables. Nous profitons d’une journée off avec trois petits kils parcourus (nos statistiques kilométriques ont mal !) pour prendre notre temps et nous reposer.

 

Nous repartons propres (cela ne pas durer…) pour le plateau d’Emparis, face au massif des Ecrins où les sommets flirtent avec les 4000 mètres. L’endroit se prête bien au VTT, les singles sont très roulants avec des paysages toujours plus beaux. Parfois les descentes sont assez techniques surtout avec les sacoches sur la fourche avant : le vélo trop lourd prend des directions complètement délirantes, je lutte sans cesse pour dompter ma machine qui peut m’emporter dans le fossé à chaque seconde d’inattention.

 

Il y a un air de Tour de France pour ce 17ème jour : deux cols mythiques s’offrent à nous, le Lautaret et le Galibier. La montée est sympa mais les conditions météo se dégradent au fur et à mesure de l’ascension : vent et brouillard s’invitent au col, à 2640 mètres. Val arrive quelques minutes après moi, elle ne peut pas tenir sur le vélo, emportée par les bourrasques. Nous restons le temps d’une photo pour immortaliser le moment et repartons pour le col des Rochilles et la sublime vallée de la Clarée. L’endroit est réellement magique, calme et serein. Je l’ai souligné en rouge sur ma carte : impossible de traverser les Alpes sans user les pneus sur ses chemins. Un véritable coup cœur, même si Val nous fait l’unique crevaison du séjour !

 

Après une traversée rapide de Briançon, histoire de remplir les sacoches, nous poursuivons par Cervières et le col de l’Izoard. Les paysages changent à chaque coup de pédale, la végétation s’adapte aux reliefs du Queyras. La douce odeur des pins et les mélèzes nous chatouille les narines : nous entrons véritablement dans le sud de la France. Avec deux cols franchis, cette journée est la plus grimpante avec plus de 2100 mètres de positif cumulé. Comme toujours, le voyage est ponctué par des rencontres improbables au milieu de nulle part, nous trouvons un abri à 2000 mètres d’altitude car le temps menace. Cinq étudiants nous y attendent… avec des saucisses, des côtelettes de porc, de la salade verte, des bières, et j’en passe. Nous n’avons pas mangé un tel festin depuis 20 jours : nous sommes affamés. Finalement, la nuit est étoilée ; c’est le Mont Viso au loin qui subit les affres de la foudre.

 

Nous continuons par Saint-Véran, un des villages les plus hauts d’Europe, puis le col du Blanchet, ou Rocca Blanca à la frontière italienne : notre point culminant du périple à 2897 mètres. Là-haut, il n’y a plus de mélèzes, plus de soleil, plus trop de chemin, mais du vent, du froid et même de la neige. Le sentier est tellement raide qu’il nous est impossible de pousser les vélos avant le col : obligés d’enlever les sacoches et de faire des allers-retours. Nous déjeunons caler contre une pierre en Italie avant d’atteindre la source de l’Ubaye. Dans la même journée, je casse mon porte-bagages, ma patte de dérailleur et ma chaîne… je suis le maillon faible ! A 2600 mètres d’altitude, l’endroit est étonnamment plat et roulant, mais les soucis techniques obligent à un arrêt précoce : dodo dans un chalet d’alpage seuls au monde… avec quelques petites souris.

 

Pour rejoindre le col de l’Arche et la vallée de la Stura, il faut remonter l’Ubayette ; le sentier est vertigineux avant qu’il ne soit complètement inexistant : un éboulement de pierre l’a complètement emporté. Il n’y a qu’une seule solution, traverser le ruisseau dans 60 cm d’eau et un fort courant, gare de ne pas lâcher les vélos. Une fois en Italie, les choses sérieuses commencent avec l’ascension du col Becco Rosso, à 2260 m. Ce n’est pas l’altitude qui a posé problème, mais la pente très cassante… Pour la première, nous sommes fatigués, les jambes sont lourdes, le vélo devient un boulet qui faut pousser à bout de bras, le moral n’y est plus pendant les trois heures de grimpette. Au sommet, une longue pause se décrète : nous sommes amorphes malgré les champs de myrtilles qui nous entourent. La descente est nettement plus réjouissante, les batteries sont rechargées à 100%.

 

Après la traversée de jolis vallons relativement faciles et paisibles (vers Roaschia), le col de Tende clôture notre 25ème journée en deux temps. D’abord, nous sommes contraint de rouler sur la route nationale, ce qui s’avère être un sport de l’extrême en Italie au vu de la conduite hasardeuse de nos amis tifosis, une main sur le klaxon, l’autre par la fenêtre pour nous encourager (on se demande qui tient le volant !), puis au niveau du tunnel interdit au vélo, nous grimpons jusqu’au col. La soirée est belle mais très longue, presque interminable, surtout quand le vent souffle de face. Val souffre en silence, elle trouve son rythme à l’arrière du peloton. Quand elle achève la dernière difficulté majeure du voyage, la tente est montée, le panorama est grandiose. Le vent joue avec les nuages qui jouent avec les rayons du soleil : le spectacle est divin. Ce soir, nous mangeons italien : melon, polenta et pêches juteuses. Delizioso.

 

Même si le vallon de Casterino est globalement descendant jusqu’à Tende, la matinée est difficile, dur de pédaler. Il y a des jours où le corps ne répond pas comme on le souhaite. Les petites pauses se multiplient et cassent un peu plus le rythme. Tout est prétexte pour s’arrêter : photo, fraises des bois, boisson ou gâteau, boisson et gâteau, papotage, etc. Il faut dire que l’endroit est sublime : le parc du Mercantour et la vallée des Merveilles sont en face de nous. Après la Brigue, nous remontons laborieusement vers la Baisse de Sanson : cette fois, c’est Val qui donne le rythme. Aucun endroit pour poser la tente, alors obligés de continuer à une vitesse de 4 km / heure, autant dire que je serai monté plus vite à pied.

 

Sur les crêtes, le panorama est à 360 degrés, l’ancienne piste militaire serpente entre la France et l’Italie, puis se transforme en sentier creusé en flanc de montagne, pas plus de 50 cm de large pour rouler. Cette dernière partie est très aérienne et technique, ici la chute est mortelle. Les falaises sont impressionnantes alors que des passages câblés sécurisent le sentier. Du haut des 2038 mètres du Mont Peïrevieille, nous voyons pour la première fois le bleu de la Méditerranée, à la fois si près et si loin. Nous bivouaquons sur les hauteurs, perdus sur une palette de couleurs pastel rosées et orangées.

 

Ce matin, il faut se lever tôt, voire très tôt pour voir le soleil. A partir de 6 heures 30, le ciel s’assombrit déjà. A peine le temps de mettre les fesses sur la selle qu’il pleut un peu, beaucoup, passionnément. Par chance, l’abri de Muratone nous protège, enfin je devrais dire un bout de tôle, car l’immense refuge de Muratone est fermé. Les bidons posés sous une gouttière se remplissent d’eau de pluie en quelques minutes et sont l’unique distraction du moment. Histoire de passer le temps et de se réchauffer, nous faisons du thé à la menthe, nos réserves de café soluble sont épuisées depuis plusieurs jours… comme nos rations de nourriture. Il nous reste un bout de fromage et une boite de sardines.

Nous partons dans une légère brume, le chemin est gorgé d’eau : des flaques font plus d’une dizaine de mètres, impossible de ne pas mouiller les pieds. Nous descendons dans la vallée de la Roya par un single extraordinaire très étroit et glissant sur 700 mètres de dénivelé. Le VTT avec ses grosses sacoches passe facilement tous les virages. Le soleil revient dans la vallée et rend l’atmosphère complètement moite. La pause… déjeuner est rapide, vu les stocks de vivres alors que les affaires sèchent au soleil à la vitesse grand V. Nous reprenons la route pour Saorge et Breil-sur-Roya avant de dormir une dernière fois en Italie sous un olivier.

 

Après Sospel, nous grimpons notre dernier col, le Razet culminant à 1032 mètres, un monstre ! Les sentiers sont très roulants, c’est le bonheur. Nous sommes excités par notre arrivée, à la fois heureux d’avoir réaliser un si beau voyage, riche en émotions et en sensations, mais un peu triste de ne pas pouvoir continuer la route, même si aujourd’hui, il n’y a plus de route, c’est la mer qui est devant nous…

Pour ne pas revenir tout de suite à la réalité, nous posons la tente sur les hauteurs de Menton à la source du Merle. Il est 15 heures, c’est la première fois que l’on arrête de pédaler aussi tôt. Val est heureuse, moi aussi. La soirée est somptueuse, nous mangerons des kilos de mirabelles ramassées près d’un cabanon. L’eau de la source est fraîche et a un petit goût de paradis. Dernier jour sur la côte d’Azur. Forcément, il fait beau, chaud, la mer est bleue et les touristes sont de sortie. Les voitures zigzaguent, klaxonnent, nous en mettent plein les poumons. Nous passons par Monaco, admirons tout ce luxe superflu et grotesque, puis Saint-Jean Cap-Ferrat, un peu plus calme. A Nice, nous avons à peine le temps de parcourir la promenade des Anglais en bord de mer que notre train nous attend pour rentrer à la maison.

En un instant, je me réveille d’un mois plongé au cœur des Alpes.

Etape 1 de la transalpes à VTT : Rolling in the Alps (retour)

Etape 2 : Paradis suisse par l'Alpine bike

Photos de la traversée de l'arc alpin

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